Les Petits Poneys - Introduction

Note à soi-même : ne plus jamais activer la fonction Courant d'Air sans être debout, les deux pieds solidement plantés dans le sol. Embarquée par la bourrasque de vent alors qu'elle était sur un genou, elle vécut un des moments les plus désagréables de son existence : le corps brutalement envoyé en arrière, elle fit le voyage allongée dans le vide sans parvenir à se redresser, incapable de voir le chemin devant elle. Elle se prit la tête entre les mains pour la protéger, craignant à tout moment de retomber par terre ; et bientôt elle comprit ce qu'était la nausée dû au mal des transports.

Shina arriva devant la Demeure dans un long dérapage sur le postérieur qui n'avait rien de plaisant, avant de faire une roulade sur le côté non désirée. Toussotant, elle tenta de débarrasser ses vêtements mouillés du sable qui s'était accroché à eux et ne voulait plus en partir, mais abandonna bien vite. Bon, au moins, elle avait réussi à se débarrasser du psychopathe. Sa fuite avait été lâche. Certes. Elle aurait dû l'affronter à la loyale, plutôt que partir en Courant d'Air. Elle ne lui avait pas laissé le temps de répondre. Mais en même temps, elle n'avait pas envie de lui parler. Oh, et puis zut.

Le sable commençait à gratter. Elle n'avait pas d'autres vêtements. Il allait falloir qu'elle aille à cette boutique dont le Chien lui avait parlé. Peut-être devrait-elle faire pousser ses fameux légumes, alors ? En grimaçant, elle ôta sa veste en "djin" et s'apprêtait à rentrer dans la Demeure, lorsqu'elle avisa la porte béante du bâtiment annexe. La dernière fois, elle avait essayé d'y rentrer, mais l'entrée était verrouillée ; une curiosité dévorante la poussa à s'approcher discrètement. Elle se posta contre le mur, près de la porte, et entendit des bruits de pas. Quelqu'un ! Un intrus ? Un KauwboÏ ? Le cœur battant à cent à l'heure, comme si elle s'apprêtait à faire la plus grande découverte de sa vie, elle jeta un coup d’œil à l'intérieur. Oui, il y avait bien quelqu'un. Et puis... Ouh, ça puait. Elle fronça le nez. Aussitôt, un souvenir s'imposa à son esprit ; à côté de son village, elle se souvenait de l'écurie des deux gros chevaux de trait qui faisaient la fierté - et la richesse - de Pacar. Ce vieux ne l'autorisait jamais à leur monter dessus ; la seule fois où elle avait bravé l'interdiction, il lui avait fait passer l'envie de recommencer.

Ce bâtiment devait donc être une écurie. L'intérêt montait. Shina continua à observer discrètement l'intérieur ; d'après ce qu'elle pouvait discerner, il régnait un beau bazar. Des sacs semblaient avoir été jetés sur le sol. Près de la porte, la fillette reconnut un tas de crottin fumant. Ravissant. Et puis, le garçon. Ah non, elle en avait eu sa claque des garçons bizarres. Le souvenir des événements précédents suffirent à la mettre d'une humeur massacrante ; s'apprêtant à repartir pour éviter cette rencontre, elle pivota sur ses talons... un peu trop brusquement, puisqu'elle envoya son coude dans le mur. Le choc propagea des fourmillements douloureux tout le long de son avant-bras, et elle se massa tant bien que mal le coude pour faire passer, la bouche ouverte.

Le garçon s'était tourné. Oh, et puis zut, il n'allait pas l'empêcher de faire ce qu'elle voulait. Et si c'était un intrus, elle devait le chasser ! Peut-être était-il responsable du désordre ? Et si c'était un Pirate envoyé par Judicaëlle pour se venger ? La présence des crottins restait sans explications. Peut-être avait-il lâché des chevaux pour tout saccager ! Elle devait faire face, le chasser du Domaine ! Non mais !

« C'est toi qui as fait ça ? » lança-t-elle abruptement, les poings sur les hanches, histoire de se donner de la prestance. « T'es qui ? Un Pirate, c'est ça ? T'as pas le droit d'être ici, va-t-en ! »

Le tout dit sèchement, sans bafouiller, le regard brûlant. Elle était prête à en découdre, pleine d'assurance puisqu'elle était chez elle. Un bref doute s'insinua dans son esprit, mais elle s'empressa de le chasser. Si c'était un Kauwboï, elle aurait l'air bien bête.

▬ Hé mais pas du tout! Je suis arrivé juste avant toi dans l'écurie, j'ai pas mis tout ce bazar! En plus, je suis un Cow Boy alors saurait était bête de mettre tout ce désordre!

Pendant que l'inconnu s'exprimait, l'air fâché, Shina avait ouvert puis refermé sa bouche à peu près une dizaine de fois, sourcils successivement froncés puis haussés. Apparemment, elle s'était trompée sur toute la ligne. Peut-être était-ce un complot ? Ce garçon pouvait très bien être un usurpateur, un Pirate en train de l'embobiner. Mais elle n'était pas idiote, ah ça non. Elle allait le chasser vite fait bien fait. Parce qu'elle en savait quelque chose maintenant, des garçons retords et manipulateurs ! Avec ce M. Pluie de malheur qui lui faisait ses yeux doux pour l'agresser ensuite ! Non, elle n'allait plus retomber dans le piège. Ou alors cet intrus était-il en train de faire distraction pendant que ses petits copains allaient vandaliser le Domaine... Ça n'allait pas se passer comme ça ! Elle allait d'abord assommer celui-ci, le ligoter, puis chercher ses complices. Simple comme un bonjour. Bien sûr, dans ses plans, la victime ne montrerait aucune résistance et s'effondrerait sans se défendre. Elle s'approcha d'un pas.

▬ Faut pas qu'on se dispute, on est dans la même équipe, lâcha le garçon en pointant son foulard du doigt.

Brusque prise de conscience. Les yeux de la petite s'écarquillèrent à mesure que les souvenirs remontaient à la surface, s'assemblant peu à peu comme les pièces d'un puzzle pour se lier entre eux et former un tout compréhensible. La veille, elle se rappela s'être réveillée avec la Voix de son Bracelet, qui l'avait déclarée Hors-la-Loi - nouvelle qui l'avait, soit dit en passant, passablement choquée, elle qui avait toujours rêvé d'être une grande justicière marginale au service des pauvres gens - ; peu de temps après, elle avait trouvé dans son armoire un foulard noir. Sachant que lui en portait un jaune, il devait être dans le même cas qu'elle. Elle s'était donc bien trompée.

Sauf s'il avait volé un foulard à un autre Kauwboï pour mieux gagner sa confiance, et peut-être savoir des informations capitales sur leur équipe. Oui, ça tenait la route.

Mis à part le fait qu'elle n'avait absolument aucune information secrète sur son équipe. Elle ne connaissait aucun Kauwboï, n'avait gagné aucune Clef et n'avait toujours pas compris comment elle était censée y parvenir, ne savait pas où en était le Jeu et encore moins s'il avait commencé. Tout ce qu'elle avait fait, c'était accueillir des nouveaux, encore et encore.

Donc, par A + B, ce garçon était bel et bien un Kauwboï, ou alors était-il un crétin pur et dur qui se camouflait sans raison apparente. Mais elle avait eu raison de se méfier. Paranoïaque ? Juste prudente et supérieurement intelligente à tous ces naïfs.

▬ Ça sert à rien, ça nous fera pas gagner de Clefs et puis j'ai pas envie de me disputer avec les gens de mon équipe. Je m'appelle Thibault, et je suis arrivé hier! Et toi?

En un rien de temps, il était passé de l'agressivité à une affabilité qui la fit tressaillir. Lui aussi il était bizarre. Et elle ne le comprenait pas non plus, à passer de la colère à la joie en un clignement de paupières. A ce train-là, Shina allait terminer misandre avant que la colonie puisse arriver à terme.

L'air toujours aussi contrarié, elle croisa les bras et se racla la gorge, tâchant de ne pas avoir l'air trop stupide après s'être engagée trop vivement dans la mauvaise voie.

« Moi c'est Shina, et je suis arrivée... euh... » Ah oui, bonne question. La petite arqua un sourcil, compta discrètement sur ses doigts et reprit : « Avant-hier. Et euh, c'est normal que je te prenne pour un Pirate. Faut être prudent. Et puis j'ai... hum... Une des Pirates m'aime pas, donc je pensais qu'elle allait... Bref. Donc j'ai raison. »

Ô désir irrépressible de se justifier en cas d'erreur. Enfin. Elle n'avait pas vraiment eu tort. Juste un peu.

« Tu... Euh... Tu sais pourquoi c'est comme ça par terre ? A mon avis y a quelqu'un qui a ouvert et des chevaux se sont échappés. Ils devaient être là depuis un moment puisqu'il y a du crottin. Et puis euh... Ah mais non il est frais... Hum... » Trouve une idée de génie pour lui montrer qui est la plus intelligente même si tu t'es gourée sur toute la ligne et que tu l'as accusée à tort, trouve ! « Quelqu'un nettoyait en cachette, et puis après des gens ont tué celui qui nettoyait et ont kidnappé les chevaux. Voilà. »

Hypothèse tout à fait improbable ? Nooon.

Idril était dans de beaux draps ! Elle farfouillait de fond en comble la demeure de son équipe depuis une quinzaine de minutes, pour essayer de mettre la main sur quelque chose qui l’aiderait à retrouver les poneys qui s’étaient échappés quand elle avait ouvert les écuries grâce à la Clé qu’elle avait gagnée lors du défi qui l’avait opposée à cette crétine de Koro Niwa. Depuis que le Chien lui avait indiqué que cette clé était très importante et qu’elle pouvait ouvrir des choses, la princesse amazone s’était évertuée à chercher la serrure associée à sa clé, en vain. Jusqu’à ce qu’elle se souvienne que le bâtiment à côté de la maison des Koboï était verrouillé. La curiosité étant un très vilain défaut, surtout chez la jeune enfant, elle n’avait pas pu résister à la tentation d’aller voir si sa Clé allait ouvrir la porte, malgré la pluie battante. Et victoire ! Le bâtiment avait cédé ! Mais aussitôt la porte en bois ouverte, plusieurs poneys s’étaient enfuis au galop, manquant d’écraser la pauvre Idril, qui ne devait sa survie qu’à ses réflexes amazones. Furieuse contre sa négligence, elle s’était de suite précipitée à l’intérieur de la demeure pour mettre son chapeau de paille, enfiler sa sacoche, et chercher du matériel afin d'attraper les fuyards. Elle avait alors mis du sucre, des carottes et du pain dans son petit sac, et il ne lui manquait plus que de la corde pour partir en expédition ! Heureusement qu’elle s’y connaissait en équidés ! Avec un peu de chance, elle récupérerait ces poneys avant que quelqu’un ne s’aperçoive de leur disparition.

Bon, après avoir farfouillé un peu partout, elle devait se rendre à l'évidence qu'il n'y avait pas de corde dans la maison, mais elle en trouverait peut-être dans les écuries ! Détalant comme un lapin, elle dévala les escaliers de la demeure et se précipita à l’extérieur, sous la pluie, les joues rosies d’avoir tant couru depuis ces quinze ou vingt minutes. Mais quelle ne fut pas sa surprise quand elle constata que deux jeunes enfants se tenaient dans le bâtiment. Elle les épia quelques secondes, cachée dans l’embrasure de la porte, et finit par entendre qu’ils étaient tous deux dans son équipe. Rassurée, mais toute trempée, l’Amazone s’avança à l’intérieur et s’ébroua comme un chien mouillé, avant d’enlever son chapeau et de le faire pendre dans son dos. Comme une vraie Cowgirl !

Dévisageant tout à tour les deux autres enfants, elle remarqua qu’elle ne les connaissait pas du tout, même pas de vue ! Mais de par sa nature amazone, elle se sentit naturellement plus attirée par la jeune fille aux cheveux rouges (même si c’était une drôle de couleur pour des cheveux) que par le garçon aux cheveux décoiffés. Les garçons, c’était toujours des chochottes pleurnicheuses de toute façon (sauf son ami Morzan bien sûr !)...

Ayant entendu les hypothèses formulées par la petite fille, Idril entreprit de la corriger, s’introduisant dans la conversation sans aucune hésitation.

« Non, les poneys se sont enfuis quand j’ai ouvert la porte avec la Clé que j’ai gagné pour les Koboï. »

Comme pour attester ses dires, l’Amazone sortit de sa poche son trophée et l’exhiba fièrement, un sourire victorieux peint sur les lèvres. Après tout, elle avait gagné la première clé de l’équipe, ce n’était pas rien ! Mais ce sourire ne resta pas longtemps, car elle avait laissé s’enfuir les poneys, et c’était tout sauf quelque chose dont elle pouvait être fière.

« Je sais pas depuis combien de temps ils étaient là, mais certainement assez pour en avoir marre de cet endroit ! Les poneys, ils aiment gambader. C’est sûrement encore un coup de ce sale sorcier, marmonna-t-elle dans ses dents. J’espère que ce ne sont pas d’autres enfants qui ont été transformés en animaux !

- En tout cas, je comptais partir à leur recherche. J’ai pris du pain, des carottes et du sucre pour les appâter, mais il me faudrait une corde, vous en avez pas vu des fois ? »

Spoiler:

« Non, les poneys se sont enfuis quand j’ai ouvert la porte avec la Clé que j’ai gagnée pour les Koboï. »

Brusque volte-face, trébuchement inopiné et dérapage non contrôlé sur une étendue de granules jonchant le sol, rattrapage in-extremis à force de grands battements de bras et de couinements paniqués. Malgré cette remarquable démonstration de voltige, Shina s'efforça de préserver un honneur inexistant en toussotant et en bombant le torse, décidée à ne pas perdre la face et à s'imposer face à la nouvelle venue.

C'était une jeune fille qui paraissait bien plus âgée qu'elle et la dépassait d'une bonne tête, si ce n'était plus ; à ses grands yeux rouges de gamine envieuse qui n'y connaissait pas grand chose, l'inconnue faisait plus adolescente que fillette. Elle avait un joli visage tout lisse, de longs cheveux blond pâle, et brandissait une clef. C'est tout con, une clef ; pourtant, quand on y réfléchit bien, ça a une valeur inestimable. On peut forcer la porte, la détruire, la faire exploser, mais on devient un vandale, un voleur, un brigand, et ce que l'on trouvera à l'intérieur ne nous appartiendra pas vraiment. La clef donne le droit ; elle signe la possession, scelle l'acquisition, prouve le mérite. C'était peut-être ça, le Jeu de la Colonie : s'approprier Infans et ses mystères.

Que d'élucubrations, de détours et de précautions pour en arriver à une conclusion bien pitoyable : cette fille avait gagné une Clef, Shina n'en avait pas vu l'ombre. A croire qu'elle allait se mettre à jalouser chaque enfant qu'elle croiserait dans la colonie. Peuh. Son tour viendrait. Et puis le garçon n'avait rien trouvé non plus.

« Je sais pas depuis combien de temps ils étaient là, mais certainement assez pour en avoir marre de cet endroit ! Les poneys, ils aiment gambader. C’est sûrement encore un coup de ce sale sorcier. J’espère que ce ne sont pas d’autres enfants qui ont été transformés en animaux ! En tout cas, je comptais partir à leur recherche. J’ai pris du pain, des carottes et du sucre pour les appâter, mais il me faudrait une corde, vous en avez pas vu des fois ? »

Hein ? Sorcier ? Enfants transformés en animaux ? Le regard de la petite s'alluma. Il y avait des Métamorphes, ici ? Elle n'était pas la seule ? Même si, depuis son arrivée dans la Colonie, pas moyen de se transformer... Enfin, ce n'était pas nouveau, elle avait toujours eu du mal à se concentrer. Mais bon, être nulle à ce point, si son frère l'avait vue..!

▬ J'en ai une aussi pareil ! Je l'ai eue hier, dans le Palais Perse! Mais je l'ai laissée dans l'armoire de ma chambre pour pas la perdre.

... MUTINERIE ! Shina serra les poings. Il l'avait soi-disant cachée, mais sûrement mentait-il, haha ! T'as qu'à la montrer si tu l'as vraiment gagnée, sale mythomane ! Et puis, quel Palais Pairce ? Ils étaient bien dans la même Colonie, non ? Elle avait pourtant l'impression d'être là depuis des semaines, et pourtant elle n'avait pas vu grand chose d'autre que l'Aérostade, encore et encore, quelques bâtiments du Centre, son propre Domaine, et un paysage défilant à toute allure en empruntant le Courant d'Air. Une chose était sûre : elle n'avait pas vu de Palais Pèrsse ou elle ne savait quoi, hein.

▬ Je sais où on peut en trouver! Ce matin, je cherchais un parapluie pour aller chercher Keri et Mlle Chat m'a dit de regarder dans une des pièces au fond du couloir du premier étage. Y a plein de trucs dedans. Je suis sur que l'on peut trouver une corde là-bas.

Keri, c'était qui ça ? Ils se connaissaient tous entre eux ou quoi ? Et Mlle Chat, c'était qui ? Ah, le chat était une femelle ! Et pourquoi il cherchait une corde, lui ? Ah oui, c'était la fille qui avait dit, pour aller trouver ces poneys... Malgré elle, Shina avait tiqué en attendant le mot "para-pluie". Elle n'avait aucune idée de ce que c'était, mais s'il y avait une chose à laquelle elle n'avait pas du tout envie de penser, c'était bien à tout ce qui touchait de près ou de loin à ce Monsieur Pluie.

▬ Au fait, je m'appelle Thibault.

« Et moi c'est Shina », répondit-elle aussitôt, machinalement.

Maintenant, organiser puis assimiler toutes ces nouvelles informations. D'accord, son interprétation... non, n'était pas tout à fait à côté de la plaque, mais pas tout à fait juste non plus. Donc les poneys s'étaient enfuis. Aller les rattraper, c'était une idée bien attirante, ça. Elle allait avoir un poney rien que pour elle ! (Pas que le Courant d'Air la faisait tomber à chaque fois, mais elle avait un peu de mal à s'habituer.) Comme frappée par une divine illumination, elle s'exclama :

« Bon ben, on attend quoi ? On va les chercher ces cordes ? »

Et garde-toi bien de préciser que tu ne sais absolument pas jouer au lasso.

« Enfin moi j'y vais. »

Même si tu n'as aucune idée de la localisation de la fameuse pièce et que, malgré ta démarche assurée, tu fonces droit devant en attendant que quelqu'un daigne te montrer le chemin.

Elle s'élança donc en avant, le cœur palpitant à l'idée de peut-être gagner une Clef - puisqu'après tout elle rendait un service à la Colonie en allant chercher les poneys disparus, hein ! - et d'être couverte de compliments par ses nouveaux coéquipiers.

« Thibault, Shina, je suis contente de vous connaître ! Moi, je m’appelle Idril ! »

Shina se contenta d'un bref signe de tête, mal à l'aise, comme à l'ordinaire, d'être confrontée à des inconnus. Le fait qu'ils fassent partie de la même équipe contribuait grandement à sa nervosité ; elle était soucieuse de bien paraître auprès d'eux et ne pouvait se débarrasser de ce désagréable sentiment d'infériorité qui emplissait sa bouche d'un goût métallique. Elle qui avait été la première à faire partie des Cow-Boys, elle n'avait obtenu aucune Clef et avait l'impression de moins connaître la Colonie qu'eux. Il fallait qu'elle fasse un coup d'éclat pour cette recherche de poneys disparus. Même si elle n'y connaissait absolument rien. Oui, bon, ça allait être difficile.

Elle laissa à contre-cœur "Tibo" la dépasser, se résignant à le suivre et à accepter son ignorance. Idril ne tarda pas à faire part de ses inquiétudes vis-à-vis de leurs recherches rendues plus difficiles par la pluie, et, elle eut beau se creuser la tête, elle ne trouva aucune remarque judicieuse ou conseil avisé à placer dans la conversation. Dépitée, Shina fit la moue mais se promit d'impressionner ses camarades sous peu.

Le débarras était... un débarras. Un beau désordre régnait à l'intérieur. Sans parvenir à réfréner son instinct de compétition, elle chercha avec entrain une corde adaptée, farfouillant énergiquement dans les cartons. Après avoir manifesté avec bruit son enthousiasme d'avoir trouvé ce qui s'avéra être une ficelle bien trop fragile, la fillette reprit une recherche plus réservée et silencieuse, mais parvint à dénicher une corde assez longue qui satisfit les attentes de ses coéquipiers. Cette trouvaille lui procura un agréable sentiment de satisfaction. Elle, faire attention à des détails ridicules ? Jamais !

" Alors, à ton avis, par où faut-il qu'on aille pour les retrouver les poneys ? " demanda Tibo une fois à l'extérieur.

Il était clairement tourné vers Idril, qui semblait s'y connaître le mieux dans le domaine de l'équitation. Mais, pour une fois qu'elle était certaine de quelque chose, Shina ne put s'empêcher d'intervenir.

« Euh... Je pense qu'ils sont derrière la Demeure », commença-t-elle, hésitante, tâchant de paraître assurée. « J'étais allée marcher un peu en suivant la rivière, et il y a plein de prairies par là-bas. Un poney, ça broute, donc euh... Voilà... »