Souvenirs de Moogli

« 3ème Session - 13ème Jour »
« J'ai pas envie »

Ce jour là, des représentants de chaque équipe avaient été conviés en tant que spectateurs du 13ème défi. Élu à l’unanimité pour représenter les miens, je m'y étais rendu, accompagné de mon familier, le cœur battant d'excitation. C'est que César nous avait donné le nom des deux adversaires, et on savait tous que les Chamans et les Magiciens ne pouvaient pas s'encadrer, suite à de nombreuses batailles entre leurs chefs respectifs.

Le duel qui avait opposé la magie des esprits et la magie des sorts, était juste fabuleusement grandiose... face à ces pouvoirs énormes, on ne pouvait que se sentir petit. A la fin du combat, le chef des Magiciens récupéra sa Clef - c'était toujours lui qui gagnait, il avait la réputation d'être le plus fort de l'île -, et il tourna les talons, allant jusqu'à ignorer ses propres coéquipiers, qui avaient l'air d'avoir un peu peur de lui en fait. Mais moi, je pensais que ce n'était qu'un grand timide qui avait du mal à s'intégrer. J'avais un don pour deviner les pensées des autres ! Grâce au flair de mon équipier, j'avais pu le rattraper facilement, et malgré mes appels, il ne faisait que m'ignorer.

« Hé attends ! Attends-moi ! On dit que t'es le plus fort des magiciens et ça a l'air vrai parce que tu t'es rudement bien battu ! »

Il m'ignora encore. Bigre, c'était vraiment un grand timide, ou alors un de ces gars qui se la jouaient mystérieux. Mais j'étais sûr qu'au fond, il se sentait seul, mon intuition ne me trompait jamais. Pris d'un élan de fraternité, je m'étais jeté sur lui pour qu'il s'arrête. Il jura. C'est fou, j'avais l'impression d'entendre les jurons que disait mon grand-père. « Laisse moi tranquille, bougre d'andouille ! » Avait-il crié en me lançant son poing dans le visage. Mais j'étais persuadé qu'il n'agissait comme ça que parce qu'il n'avait pas l'habitude de parler à d'autres enfants, et cela ne faisait que renforcer mon envie d'être son ami, je m'étais donc jeté sur lui tandis qu'il se débattait de plus belle.

Notre bagarre ne dura pas longtemps. A cause de la pluie, la plaine s'était transformée en marais, on aurait presque pu y nager. Nos habits étaient trempés par la pluie et la boue, et devenaient trop lourds à porter. Alors finalement, on a fini par s'allonger, tous les deux vaincus.

« Moi, c'est Moogli, ça te dit qu'on devienne amis ? »

Il ne me répondit pas. Il se contenta de grogner, mais j'étais sûr que ce n'était pas un refus. Sinon, il serait parti, enfin, je crois. De toute façon, je ne l'aurais pas laissé partir. Pour couper le silence, je me suis laissé à lui confier mes pensées intimes. C'est un peu bête. Mais ce petit garçon aux longs cheveux blond m'avait fait une forte impression. Je ne me lassais pas de le regarder, et il semblait si loin des autres enfants. Il ne disait rien, ne faisait rien de plus que ce qu'on lui demandait.

« Tu sais, j'ai pas envie de rentrer chez moi. »
« Moi non plus. »

C'était la première fois qu'il me parlait sans me crier dessus. Et avec une simplicité déconcertante, il avait répondu dans mon sens. Malgré ma surprise, j'avais continué sur ma lancée, espérant briser la glace entre nous deux.

« J'ai pas envie de finir comme César ou Darius. »
« Moi non plus. »

Après quoi, nous avons laissé le silence s'installer. Ce garçon, plus petit que moi, que tout le monde craignait, avait fini par abandonner son masque silencieux. Il ne fallut pas beaucoup de temps pour que nous devenions amis. Il était sans doute le seul véritable ami que je me sois fait sur Infans, et quoi qu'il décide de faire, je m'étais engagé à l'aider. Et alors nous vint l'idée de la rébellion...