La Gazette - Numéro 3

Les animaux sont dans la boutique de Darius. Merlin fait bande à part, juché en haut d’une étagère. Cléopâtre est couchée sur une table et somnole. César assit sagement regarde l’heure et l’Ours s’apprête à fermer la porte de sa boutique quand un personnage entre avec fracas.

Il ressemble à un poney. A l’exception près que sa crinière en bataille est bleue électrique et que des ailes d’oiseaux percent ses flancs. « Hé ! Salut la compagnie ! » s’exclame-t-il d’un ton joyeux.
Merlin tourne ostensiblement le dos, Darius hausse les sourcils et Cléopâtre, réveillée en sursaut essaye de comprendre ce qui se passe. César affiche un sourire forcé et marmonne d’une voix qui se veux aimable « Mozart…On…On ne s’attendait pas à te voir dis donc, qu’est-ce qui t’amène ? » Le dénommé Mozart entre dans la boutique et s’ébroue en faisant tomber un vase. Darius grimace. « Oups, désolé. En même temps, c’est pas très bien rangé ici, ça a pas changé. » s’exclame-t-il tout en jetant un coup d’œil circulaire au lieu. La grimace de Darius s’accentue. « Bein dis donc, fallait me dire que la session avait commencé ! J’étais pas au courant moi ! » César baisse les oreilles et marmonne « On se demande qui t’as mit au courant, hein… » Mozart l’a entendu et loin de se vexer, il répond naïvement. « Bah c’est la p’tite Jewel. Elle est adorable. Elle est venue frapper à la porte de mon chapiteau ce matin. » « Ah… » dit Cléopâtre qui commence à comprendre. « Heureusement que tu es là, tu vas pouvoir nous dire ce que deviens notre souris. Son absence commence à poser de sérieux problèmes tu sais… » « La souris ? Euh…Non. Non, elle était pas avec moi. » « Mais où est-ce qu’elle est alors ? » demande Darius. « J’en sais rien. Par contre, c’est moi où Moogli a changé de place ? Il devait pas être au centre des marches ? Qu’est-ce qu’il fait sur le toit ? » « On se le demande… » marmonne César en jetant un regard à Merlin qui est toujours juché son étagère. Mozart tourne la tête à droite puis à gauche et demande, surpris. « Bein ? Juliette n’est pas là ? » C’est Cléopâtre qui répond en s’étirant « Non, et si tu veux mon avis, son absence n’est pas une bien grande perte. »

« Bref. » coupe court César « As-tu une remarque pertinente à faire Mozart ? » « Ouais. Les angelots ils ont des nuages trop cool. Et la poussière qui fait voler, elle s’est déplacée dans leur domaine pour cette session. C’est fun ! » « Ah et les Princesses ont trouvé Picasso. Il leur a fait un peu peur. Mais franchement, à part l’enfermer dans les Oubliettes, je ne vois pas ce qu’on peut faire de plus. » dit Cléopâtre avant de se corriger. « Ah, mais j’oubliais. On l’a déjà enfermé dans les Oubliettes. » Darius reprend. « Et les cow-boys ont trouvés les poneys sauvages. Le petit Thibault me l’a dit ce matin. » « Parfait ! » enchaîne César « Et les Pirates vont bientôt remettre le bateau à l’eau. Tout va pour le mieux. » Merlin regarde la scène d’un air mauvais et face pustuleuse de batracien semble en proie à une profonde rêverie…

Les animaux sont encore dans la boutique de Darius. La réunion a déjà commencé. Ils forment tous plus ou moins un cercle et prennent la parole à tour de rôle. « Bien. En ce qui concerne la fête de mi-session, les princesses se sont portées volontaire pour organiser un bal. Il se déroulera… » « Oh César, je viens juste de me rappeler que… » « Plus tard Mozart, je parle. Le bal se déroulera donc le dixième jour de la colonie. Des volontaires pour aider les Princesses ? Cléo volontaire ? Bon, d’accord. » « César, il… » « Plus tard Mozart. » « Mais… » « Bon sang, j…. »

Un autre personnage fait son apparition à l’improviste. Il ressemble à Mozart dans le sens où il a l’air d’être un poney. Néanmoins, sa crinière est dorée et forment de longues boucles bien entretenues. Son pelage blanc scintille comme constellé de paillette et enfin, une large corne trône son front sur lequel est posé une couronne de fleur. Tout le monde est bouche bée, sauf Mozart qui déclare. « Voilà, je voulais te dire que Juliette revenait. »

« Olala ! Mes amis ! Ca faisait longtemps ! » s’écrit la Licorne d’une voix étrangement fluette. Cléopâtre bougonne « Je ne vois pas de quels amis tu parles… » mais elle l’ignore royalement et se dirige vers le chien. « César ! Je suis si contente de te revoir ! » « Oui…oui…Moi aussi Juliette. On parlait de… » « Attends, il faut peut être la mettre au courant des différentes équipes de cette session, non ? » suggère discrètement Darius. César hoche la tête et lui fait signe de prendre la parole. « Ravi de te revoir Juliette. Cette session a débuté il y a cinq jours. Les différentes équipes sont les Angelots, les Pirates, les Cow-boys et les Princesses… » « Olala, on a des princesses ? Mais c’est merveilleux ! Où sont-elles ? » le coupe-t-elle, enthousiaste. « Dans leur château bécasse. » réponds Mozart à qui elle envoie un regard méprisant. « Elles sont en tête de la compétition j’imagine ? Evidemment, les Princesses ont la classe. » « Oui mais les Angelots ne sont pas loin derrière » réponds Pégase. Darius lève les yeux au ciel alors que les paris commencent. « Je suis d’accord, je pense que les Princesses ont leurs chances. Elles me rappellent les Egyptiens. » renchérit Cléopâtre qui, une fois n’est pas coutume, est du même point de vue que Juliette. « Et moi je maintiens que ce sont les Angelots qui gagneront ! » insiste Mozart. « Et pourquoi pas les Pirates ? Ils sont bien aussi, les Pirates ? » demande César. Cléopâtre le rabroue « N’importe quoi, ils ne font pas le poids. » César se tait, à priori très vexé. « Avec leurs poneys, les cow-boys sont aussi bien avantagés » affirme Darius, se mêlant au débat.

(ETC… A FINIR)

Dans la boutique de Darius. Cléopâtre est assise sur une pile de livres instable. Pégase semble fasciné par le balancement d’une vieille horloge. Merlin est terré dans un pot de fleur. César est couché en chien de fusil et observe d’un air rieur Darius qui semble être en pleine prise de tête avec Juliette. La licorne est sur le seuil et claque du sabot sur le sol en s’agitant. « Mais enfin Darius c’est insensé ! Ta boutique est minuscule et je ne comprends pas pourquoi nous devons y faire toutes nos réunions. Et si on allait à l’extérieur ? Il fait si beau dehors. » L’Ours, juché sur ses deux pattes arrières et accoudé à son comptoir grogne, agacé. « Non. Je ne sortirais pas. » « C’est d’un ridicule ! » piaille à nouveau Juliette. « Et bien moi j’en ai assez de faire toutes les réunions chez toi. Je ne viendrais plus. » Cléopâtre soupire bruyamment et prend la parole « Juliette, arrête de faire l’enfant. » La licorne lui lance un regard assassin et se dandine sur place en regardant César, espérant sans doute que ce dernier prenne la parole mais ce dernier détourne la tête, évitant son regard. C’est Mozart qui s’exclame « C’est vrai ça, pourquoi est-ce qu’on n’irais pas chez moi ? C’est très bien chez moi, c’est propre, bien rangé… » Darius pousse un grondement menaçant. César se lève soudain et coupe court à l’embryon de dispute. « Bon, ça suffit. Juliette, demain, on ira chez Picasso si tu préfères. Hum…Darius… » il lance un regard embarrassé à son ami qui hoche doucement la tête. Il n’assistera pas à la réunion de demain mais ne veux pas faire de scandale. « Quelle bonne idée mon César ! » roucoule la licorne en battant des cils. Cléopâtre pousse un nouveau soupire excédé. « Bon euh…Le défi ! Comment ça s’est passé Mozart ? » demande-t-il à l’intéressé. « Très bien, très bien. Les Princesses sont en tête avec quatorze clefs. » « Mais les cow-boys progressent vite dans l’exploration de la colonie avec leurs poneys, ils sont à douze clefs. » Cléopâtre ajoute rêveuse« Tout va bien pour le moment, il n’y a pas eut de grande rivalité entre les équipes, à peine quelques mésententes. C’est la session idéale en somme. »

Il est très exactement vingt deux heures, temps du couvre feu, et les animaux de la colonie se sont réunis dans les Oubliettes du Château des Princesses. Ils y sont entrés par une entrée secrète inconnue des enfants. Dans les souterrains humides, Merlin semble frétiller d’une joie à peine contenue. Juliette, la licorne, piaffe à intervalle régulier en secouant sa longue crinière argentée. Picasso le dragon aux écailles violettes et râpeuses paraît ravit d’avoir de la compagnie et bavarde gaiement avec Mozart, le Pégase qui semble être à l’étroit dans cette galerie loin de son ciel infini.

« Il est vingt deux heures. Ils sont en retard. Zut, si je reste une minute de plus dans cette galerie, ma crinière va friser ! » finit par piailler Juliette en tapant de son sabot doré contre le sol. Mozart se retourne à peine et répond. « Faut savoir, hein. D’abord ça grommelle parce que ça en a marre de la boutique et puis ça se plaint des oubliettes…Nan mais vraiment. » Merlin les regarde parler sans mot dire. « Oh tais toi hein, moi je trouve que ces souterrains sont vraiment insupportables, il fait tout sombre, c’est humide, c’est… » « C’est chez moi ici, alors si t’es pas contente tu t’en vas ! » grogne Picasso en lui lançant un air mauvais tout en réprimant une envie de cracher quelques flammes. Juliette prend un air outré et inspire une grande bouffée d’air avant de lancer d’un ton digne d’un grand mélodrame « Très bien ! Et bien puisque c’est comme ça, je m’en vais ! Vous n’êtes que… »

Elle laisse sa phrase en suspend car un éclair roux vient d’entrer dans la galerie. C’est Cléopâtre. Son beau pelage écaille de tortue est encore tout hérissé et ses oreilles sont rabattues vers l’arrière alors qu’elle annonce d’une voix rendue aiguë par la colère. « Laissez tomber la réunion, César ne viendra pas. » Juliette qui avait encore la bouche ouverte la referme aussitôt et fronce les sourcils. « Qu’est-ce qui se passe ? » demande Mozart vivement intéressé. « Il allait très bien aujourd’hui, je l’ai vu chez les Pirates ce matin… » A l’évocation du mot « pirate », Cléopâtre feule et hurle. « Merci bien, j’ai vu, ça, que monsieur était chez les Pirates ! Toujours à combiner des coups fourrés, toujours assoiffé de pouvoir j’ai vu ! Qui se ressemble s’assemble et bien le traître est retourné avec les traîtres. Moi je m’en vais. J’en ai assez. » termine-t-elle en quittant la pièce aussi vite qu’elle est venue.

Les autres animaux s’observent en silence et au bout de quelques minutes, la voix de Mozart s’élève « J’ai pas compris… » Juliette le regarde et ses yeux disent clairement qu’elle pense qu’il est un imbécile complet. C’est Merlin qui croasse d’un ton joyeux « Dans la soirée, les Pirates ont envahit les Princesses. Ils ont forcés le pont levis et sont entrés dans le château, là ils ont tout saccagés et les ont attaqués avec bombes à eau. Ils ont mit la main sur leurs clefs puis se sont sauvés. Le château est dans un triste état… » « Arrête, elles venaient juste de gagner leur dernier défi » murmure tout bas Juliette, touchée par l’événement. « Mouais bein elles ont tout perdu… » ajoute Mozart. Encore un temps de silence. « C’est le jeu non ? » s’exclame Picasso. « Cléo prend l’événement trop à cœur. Bon, je suppose que la réunion est annulée. Si vous n’avez rien à dire de plus, sortez de mes oubliettes. » ajoute-t-il.

Dans la boutique de Darius. L'Ours s'affaire à déplacer un tableau représentant un paysage flamand. Mozart regarde le balancement d'un vieux métronome. Cléopâtre, les oreilles rabaissées vers l'arrière est juchée sur une pile de coussin et César se dandine d'une patte sur l'autre, visiblement mal à l'aise. Juliette est assise à côté de lui et le couve des yeux. Merlin est hors de vue, mais nul doute qu'il doit écouter la conversation.

" Bon..." commence César en évitant délibérément de regarder Cléopâtre qui, elle, le fusille du regard. Il règne un silence pesant que nul n'ose interrompre. " Ahem, une tempête menace l'île. Je propose que nous discutions des mesures nécessaires pour..." Il laisse sa phrase en suspens. Le silence s'alourdit. Darius prend lentement la parole, pesant ses mots. " Je suppose que les Pirates ne peuvent pas rester sur leur bateau..." Mais au mot "Pirate", Cléopâtre feule et court vers la porte. " Non mais ! Pour qui elle se prend celle là ! " s'exclame Juliette sitôt que la chatte rousse est définitivement sortie de son champ de vision. Darius soupire, visiblement gêné. " Elle a du mal à se remettre. " Il fixe le chien et lui dit d'un ton plein de sagesse. " César, tu n'aurais pas..." Le chien se lève et aboie, furieux. " Zut à la fin ! Quoique je fasse on est obligé de me rappeler ces fichus clefs. C'était une erreur ! Je regrette, d'accord ? Je regrette ! J'ai jamais voulu lui faire de peine. Je ne voulais pas que les égyptiens perdent. Je voulais juste gagner. C'est...c'est pas pareil...Je..Je voulais pas lui faire de peine." sa voix se perd dans un sanglot. "Mais puisque tout le monde ici semble décidé à se ranger du côté de Cléo, j'en ai marre, je m'en vais. " Et il prend la porte à son tour. Juliette semble hésiter à le suivre mais un geste de Darius l'en empêche. L'ours brun secoue doucement la tête avant de proférer. " On ne va pas annuler la réunion pour autant. Cette tempête est sérieuse. Mozart, tu veilleras sur les Angelots, je compte sur toi pour qu'ils ne quittent pas leurs chambres. " "Oui chef ! " répond Mozart avec un enthousiasme qui laisse Darius sceptique. " Je suis sérieux d'accord...?" ajoute-t-il en le fixant résolument. " Juliette, je veux que tu prenne en charge les cow-boys." "Mais..." "C'est d'accord ?" "Moui..." bougonne la licorne en levant les yeux au ciel. " Cléopâtre et César n'auront qu'à se charger respectivement des Princesses et des Pirates."

" Tu crois qu'ils se réconcilierons un jour ? " demande Mozart, l'air de rien. " J'espère...Mais je ne sais pas..." murmure tout bas Darius. Tapi dans son pot de fleur, Merlin ricane dans sa tête.

Devant la boutique de Darius. Il fait nuit, la pluie tombe. César s'avance et s'ébroue machinalement avant de s’asseoir sur le seuil. Darius se lève et vient à sa rencontre. Le canidé bougonne. "Les Pirates dorment. Tout va bien. Ils ont été sage. " Darius ne dit rien, César parle pour lui même. " Tu sais, je me demande comment ca va se passer demain. La réunion de chef d'équipe, le bal des Princesses...Il suffirait d'un rien pour que ça tourne au vinaigre. " Il marque une pause. " Ca avait bien commencé, cette session. Pas d'embrouilles, des gamins sympa. Mais c'est qu'un jeu ? Pas vrai ? Tant pis si elle boude. C'est qu'un jeu. " Il soupire. " Je ne sais pas quoi faire Darius. Je ne sais pas quoi faire..." L'ours le regarde en silence et finit par dire en haussant les épaules. " Tu devrais arrêter de réfléchir et aller dormir. Demain sera une dure journée. "